Legal22 septembre, 2020

Le télétravail sous l’angle juridique, fiscal et « du changement »

22 septembre 2020 : journée nationale du télétravail dans un contexte de crise sanitaire
Le télétravail (recommandé ou obligatoire) généré par la crise du coronavirus incite les entreprises à repenser leur mode d’organisation et à considérer le travail à distance comme élément structurel du "new way of working". Une enquête de BDO révèle que depuis le confinement, 9 dirigeants & travailleurs belges sur 10 veulent télétravailler de 1 à 3 jours/semaine.
Vous souhaitez intégrer le télétravail dans votre environnement professionnel ? Prenez en considération les aspects liés au droit du travail, à la sécurité sociale et à la fiscalité tout en appliquant les principes du lean management.

Télétravail et contrat de travail

Auteurs de l'article : Lore Vanhaute, Advisor BDO Legal, Melissa Claessens, Supervisor BDO Tax et Serge Blumenfrucht, Partner BDO Strategy & Transformation

Lorsqu’un travailleur peut exécuter ses activités sur base régulière (et non occasionnelle) hors des locaux de l’entreprise en utilisant la technologie de l’information de l’employeur, on parle de télétravail "structurel". Cette modalité peut être prévue dans tout contrat de travail ordinaire d’un ouvrier ou d’un employé dont les tâches se prêtent au télétravail. Dans ce cadre, l’employeur est lié par la convention collective de travail n° 85 du Conseil national du travail qui fixe le cadre et les conditions en la matière.
Le télétravailleur bénéficie des mêmes conditions de travail qu’un travailleur opérant dans les locaux de l’entreprise. Il peut organiser son travail comme il l’entend en respectant la durée de travail en vigueur dans l’entreprise. Pour le reste, les télétravailleurs sont exclus des règles relatives à la durée du travail, au travail de nuit et au repos dominical. Les règles habituelles de la loi du 03/07/1978 relative aux contrats de travail s’appliquent les autres jours ouvrables.


La CCT prévoit les conditions de télétravail suivantes :
- Le télétravail ne peut être appliqué que sur base volontaire. Un employeur ne peut donc pas obliger ses collaborateurs à télétravailler. Inversement, les collaborateurs ne peuvent revendiquer un droit au télétravail.
- L’employeur doit obligatoirement fixer les modalités de télétravail par écrit dans le contrat de travail (ou un avenant). La CCT n° 85 détaille ce qui doit impérativement figurer dans le contrat individuel.
- L’employeur doit informer ses travailleurs des conditions de travail, en particulier des conditions complémentaires applicables au télétravail au sein de l’entreprise. Ces conditions peuvent être reprises par exemple dans le règlement de travail ou une politique de télétravail.
- L’employeur est en principe tenu de mettre à disposition l’équipement (ordinateur portable, GSM, etc.) dont le travailleur a besoin pour télétravailler. Le travailleur peut toutefois utiliser son propre équipement, les frais d’utilisation étant à charge de l’employeur.
- L’employeur doit prévoir la protection nécessaire des données à caractère personnel du travailleur et reste responsable de la sécurité et de la santé des télétravailleurs.
- Les entreprises avec représentation des travailleurs sont tenues d’informer et de consulter les représentants des travailleurs avant l’introduction du télétravail.

Remboursement des frais de télétravail

L’employeur doit en principe supporter les frais de connexion et de communication nécessaires pour le télétravail, ainsi que les frais que le travailleur engage en utilisant son propre ordinateur portable ou smartphone.

Il est possible (voire conseillé d’un point de vue pratique) d’appliquer des indemnités de frais forfaitaires en cas de télétravail. Tant l’ONSS que le fisc acceptent les forfaits mensuels maximaux suivants à titre d’indemnité pour les frais propres à l’employeur, exonérés de cotisations ONSS et d’impôts :

1) Frais de bureau

- Conditions ONSS
129, 48 euros pour le chauffage, l’électricité, le petit matériel de bureau si le travailleur preste effectivement une partie du temps de travail à domicile de manière structurelle et régulière.
ou
10 % de la rémunération brute. Cette rémunération brute est limitée à la partie qui concerne les prestations réalisées à domicile.

- Conditions Fisc
129,48 euros pour les frais de bureau engagés relatifs au bureau à domicile pour tous les travailleurs qui travaillent à domicile de manière structurelle et régulière (c.-à-d. au moins 5 jours ouvrables/mois). Les frais ne peuvent pas être remboursés d’une autre manière.
ou
10 % si le montant est supérieur à 129,48 euros/mois et que les conditions susmentionnées ne sont pas remplies, il est conseillé de demander un ruling fiscal.

2) Connexion internet

- Conditions ONSS
20 euros si le travailleur utilise sa propre connexion internet à des fins professionnelles de manière régulière, comme 1 jour/sem., plusieurs fois quelques heures/sem. ou 1 sem./mois.

- Conditions Fisc
20 euros si le travailleur prouve que sa propre connexion internet est réellement utilisé pour le télétravail (c.-à-d. le travail organisé qui est effectué pendant les heures de travail normales depuis le domicile au lieu du bureau sur base régulière). Il faut que l’indemnité soit effectivement utilisée pour ces frais (le fisc ne demande pas de preuve si les 20 euros ne sont pas dépassés).

3) Ordinateur (portable)

- Conditions ONSS
20 euros si le travailleur utilise son propre ordinateur à des fins professionnelles de manière régulière, comme 1 jour/sem., plusieurs fois quelques heures/sem. ou 1 sem./mois.

- Conditions Fisc
20 euros si le travailleur prouve que son propre ordinateur est réellement utilisé pour le télétravail (c.-à-d. le travail organisé qui est effectué pendant les heures de travail normales depuis le domicile au lieu du bureau sur base régulière). L’indemnité est effectivement utilisée pour ces frais (le fisc ne demande pas de preuve si les 20 euros ne sont pas dépassés).


Il reste possible de ne pas appliquer de forfaits et de rembourser la valeur réelle des frais engagés sur présentation de pièces justificatives. En d’autres termes, une indemnité de frais supérieure au forfait de 129,48 euros/mois peut être payée moyennant la preuve des frais engagés.

Quand le travailleur utilise l’ordinateur portable ou le GSM de l’employeur, aucune indemnité de frais n’est accordée. À partir du moment où le travailleur utilise cet équipement à des fins privées, un avantage de toute nature (ATN) forfaitaire doit cependant être pris en considération. Cet ATN fait partie du salaire ; il est donc soumis à l’ONSS, à l’impôt des personnes physiques dans le chef du travailleur, et est fiscalement déductible dans le chef de l’employeur.

Table title

Mis(e) à disposition par l’employeur : Évaluation avantage de toute nature pour usage privé (ONSS et fisc) :
Ordinateur 6 €/mois ou 72 €/an
Tablette, GSM, Smartphone 3 €/mois ou 36 €/an
Abonnement téléphonique 4 €/mois ou 48 €/an
Connexion Internet (fixe/mobile) 5 €/mois ou 60 €/an

Vers une nouvelle manière de travailler

Intégrer le télétravail et fixer les règles du jeu sont une chose, permettre aux travailleurs de s’y habituer en est une autre. «Nos experts qui ont accompagné de nombreuses entreprises pendant la crise du coronavirus ont constaté que les attentes et possibilités individuelles des travailleurs étaient très différentes», explique Serge Blumenfrucht, Partner chez BDO Strategy & Transformation. «C’est pourquoi il est capital que les employeurs donnent aux départements et aux équipes suffisamment de temps pour s’approprier toute nouvelle manière de travailler. Le télétravail est loin d’être un concept universel.»

Commencez par définir les grandes lignes et les principes dans une politique de base et impliquez les dirigeants – les cadres moyens – dès que possible dans le déploiement. Demandez-leur de conclure des accords au niveau de l’équipe et de les fixer dans des accords d’équipe. Serge Blumenfrucht pose à cet égard 4 questions fondamentales :

  1. Comment communiquer en tant qu’équipe ?
  2. Quelles informations sont nécessaires ?
  3. Comment répartir le travail ?
  4. Comment mesurer les résultats ?

Travaillez de 3 à 6 mois en respectant ces accords d’équipe, tirez les leçons, puis intégrez les meilleures pratiques dans une politique finale.

«Soutenir de manière optimale les cadres moyens est une mission qui revient à l’employeur ou au directeur des RH» ajoute Serge Blumenfrucht. «Expliquez-leur clairement les avantages du télétravail, renforcez leurs compétences de dirigeant, lancez de nouvelles méthodes, visez en permanence l’amélioration. Toutes ces techniques de lean management contribuent au changement et à l’avènement d’une nouvelle manière de travailler.»

Enquête sur le télétravail en 2020

Le télétravail se poursuivra-t-il après la Covid-19 ? BDO Belgique a mené une vaste enquête en Flandre, en Wallonie et à Bruxelles pour le savoir. L’analyse des résultats nous a permis de dégager des pistes pour consolider à l’avenir ce "new way of working".

De nombreux employeurs ont qualifié leur première expérience approfondie de télétravail de "succès inespéré". Un enthousiasme partagé par les travailleurs ; beaucoup d’entre eux (95 % selon notre enquête) souhaitent continuer à télétravailler après la crise. Quantité d’employeurs ont depuis répondu à leur souhait et instauré en un temps record une politique de télétravail.

Le rapport d’enquête vous donne un aperçu des opportunités d’amélioration et des points essentiels offerts aux organisations (privées ou publiques). Vous pouvez le télécharger sur le site de BDO.

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